Laurène HOUTIN

PPR 2016

Impact des normes sociales et des stéréotypes liés au poids sur les comportements alimentaires des individus se pensant à tort en surpoids : se croire gros peut-il amener à devenir objectivement gros ?

Projet de recherche

  • Auteur : Laurène HOUTIN
  • Centre de recherche : Laboratoire Parisien de Psychologie Sociale (LAPPS - EA4386) Université Paris Ouest Nanterre La Défense / Département de Psychologie
  • Thème : Comportement alimentaire / Psychologie

Présentation, objectifs et résultats attendus

Présentation

De nombreuses politiques publiques visent à lutter contre l’obésité en stigmatisant le surpoids et ses causes avec des effets contrastés si ce n’est inverses à leurs objectifs. Stigmatiser le surpoids ne se révèle pas être une solution efficace pour motiver les individus à adopter des comportements plus favorables à la santé ou une alimentation plus équilibrée (Bayer, 2008 ; Brochu & Dovidio, 2014). La population occidentale grossit : entre 1990 et 2010, le taux d’obésité a doublé en France et l’augmentation du nombre de Français en surpoids dépasse les prévisions (de Saint Pol, 2007 ; OCDE, 2014). Bien que de nombreux travaux dans le domaine de la santé aient été menés avec succès et permettent de comprendre les mécanismes biologiques intervenant dans la prise de poids, le rôle des facteurs psychosociaux dans ce phénomène est peu investigué. C’est dans ce cadre que prend place ce projet de recherche dont l’objectif est de montrer comment  se penser gros peut amener à devenir gros.

Norme sociale

Les standards de beauté et normes sociales actuels valorisent la minceur excessive (de Saint Pol, 2009). Ils conduisent de nombreux individus à penser qu’ils sont en surpoids alors qu’ils ne le sont objectivement pas selon les indicateurs médicaux conventionnels (Chang & Christakis, 2003). L’image du corps des individus, notamment des femmes jeunes, est erronée. Ils se pensent gros. Or se penser gros – à tort ici – va conduire ces individus à subir les effets négatifs de la stigmatisation du surpoids et les conséquences des stéréotypes associés, telle que l’idée socialement partagée que les gens en surpoids ont de mauvaises habitudes alimentaires et manquent de volonté ou de contrôle (Brochu & Esses, 2011).

Hypothèse

La théorie de la menace du stéréotype montre que se penser la cible d’un stéréotype négatif favorise les comportements confirmant ce dernier et, via des processus attentionnels et affectifs, détériore les performances et comportements des individus dans le domaine concerné (Steele & Aronson, 1995). Sur cette base, les chercheurs font l’hypothèse que les individus qui se pensent en surpoids pourraient être amenés, dans les situations rendant saillantes leur supposée déviance de la norme de minceur et stigmatisant l’excès de poids, à adopter des comportements congruents avec les stéréotypes associés, et se tourner vers la consommation d’aliments gras et sucrés, favorisant alors une effective de poids subséquente

Objectifs

A terme, l’objectif est de parvenir à mettre en évidence des stratégies permettant de diminuer voire de contrer les conséquences délétères des stéréotypes sur les comportements alimentaires des individus ayant une vision erronée de leur corps. Pour ce faire, les chercheurs examineront les effets de deux stratégies ayant été mises en évidence comme efficaces pour réduire les effets de menace du stéréotype (Désert, Leyens, Croizet  &  Klopfenstein, 2001 ; Martens, Johns, Greenberg, & Schimel, 2006) : l’auto-catégorisation (i.e., rendre saillante une autre identité sociale de soi, un groupe d’appartenance différent de celui des personnes en surpoids) et de l’auto-affirmation (i.e., se focaliser sur des connaissances de soi centrales et positives) en situation de saillance des stéréotypes du surpoids

Étapes

Les premiers résultats sont encourageants et confirment cette hypothèse en montrant qu’en situation de saillance du poids, les femmes se percevant en surpoids se dirigent vers des aliments sucrés ; et qu’en situation de saillance des stéréotypes du surpoids, elles ont plus de difficultés à sélectionner les aliments les moins caloriques. Reste maintenant à déterminer (1) si ces effets sont également observables dans des conditions proches de celles de la vie quotidienne, (2) les processus émotionnels et cognitifs sous-jacents, (3) des stratégies permettant de les réduire, voire de contrer ces effets.

Bilan

L’objectif de ce travail de recherche est de mettre en évidence une possible cause de la prise de poids chez les individus se percevant en surpoids, ainsi que de comprendre les processus sous-jacents à ce phénomène. De plus, déterminer des stratégies permettant la réduction voire la neutralisation de ces conséquences délétères permettrait de fournir aux professionnels de santé (nutritionnistes, diététiciens, médecins généralistes, psychologues…) des outils à intégrer à leur prise en charge des individus se percevant en surpoids.